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Du vandalisme au vendable

Développé en marge de l’art contemporain, le street art autrefois culture alternative et rejetée par les foules s’est depuis démocratisée perdant ainsi sa spontanéité et son anticonformisme. Cette démocratisation passe par une commercialisation du mouvement avant même les années 2000. De la vente à ses commanditaires, le mouvement s’est de plus en plus institutionnalisé.

Street market


Traqué, interdit, effacé, le street art gagne peu à peu les coeurs ; il est de plus en plus toléré puis exposé. Aujourd'hui il est aussi la coqueluche des communicants. Depuis 2010, les institutions culturelles et la publicité investissent ce nouveau filon sans chercher vraiment à le comprendre ou à l’expliciter. A l'image du pop art dans les années 60, l’art urbain devient peu à peu objet de marketing.

Le street art aurait-il vendu son âme ? Pour l'artiste Space Invader la manière de procéder n'a pas changé : « Je m'implique autant en réalisant une oeuvre unique qu’un produit dérivé, cela vient du même cerveau, seul le support change », assure ce dernier.

Mais tout le monde ne perçoit pas l’investissement du marketing de la même manière : « Les publicitaires travaillent à connaître, dérober et prostituer tous les codes perceptifs de notre société bien avant qu’ils ne se soient institués en mode de communication. En cela, la publicité est une belle machine d’uniformisation, de nivellement, entre autre de la langue, une masse médiatique pesant sur la vie. Ce n’est pas tant la contestation qui fasse vendre, c’est plutôt que la publicité a vocation à marchander toute forme d’expression », explique le street artiste Thom Thom. Comme dans notre société, le street art crée le débat en son sein même, divisant toujours plus ses acteurs.

Une fois le street art reconnu comme une réelle forme d’expression artistique, comme un moyen de communiquer autrement, est apparue la question de sa monétisation. Les artistes ont d’abord eu besoin d’une rémunération pour exercer leurs prouesses, que ce soient des mécènes ou des commanditaires. Des collectionneurs d’art urbain sont apparus provoquant une demande sur le marché de l’art. Suite à une économie florissante, un marché propre lui a alors été logiquement consacré.

A l'écoute des artistes ?

 

Sûrement dû à un effet de mode, aujourd’hui, on voit s’ouvrir de plus en plus de galeries spécialisées dans le street art. Mais celles-ci s’adaptent-elles aux street artistes qu’elles exposent ou est-ce aux street artistes de s’adapter à une demande ? Baimba Kamara, chargé des expositions et des projets à la galerie Itinerrance a son avis sur la question : « Si je m’adresse à un artiste qui aime travailler le papier de manière très délicate et intime, je ne vais pas le mettre sur un gros mur de HLM en géant, ça n’a aucun intérêt. A l’inverse, un artiste qui aime bien s’exprimer en grand avec des couleurs très flashy, je ne vais pas le mettre sur quelque chose de petit, étriqué. A chaque fois, il faut s’adapter au mieux à la pratique de l’artiste ».

Mais toutes les galeries ne se ressemblent pas et la plupart du temps, l’objectif premier de gagner de l’argent, prend le pas sur les choix des artistes comme le révèle le street artiste Dan 23 : « La plupart des galeristes vendent du street art parce que c’est à la mode. Ils pourraient vendre de l’art contemporain ou des saucisses ce serait pareil ».

 

Un effet de mode qui continue de séduire d’autres institutions publiques comme les musées.

L'importance du lieu

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Défense d’afficher

 

La pratique de l’art dans la rue sans autorisation reste encore aujourd’hui illégale comme le rappelle l’article 332-1, alinéa 2 du Code pénal : « Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3 750 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général lorsqu'il n'en est résulté qu'un dommage léger. ». Les artistes ne comprennent pas toujours l'acharnement des forces de l’ordre contre leur art, certains s’insurgent comme l’artiste Honet : « Qui peut décider de savoir si ce que je fais est de l’art, du graffiti ou du vandalisme ? Hormis la loi… Et encore, eux-mêmes sont souvent carrément perdus là-dedans ». Alors que d’autres s’adaptent pour ne pas avoir d’ennuis comme la street artiste Miss-Tic : « Depuis ma condamnation par le ministère de la justice en 1999, j'ai modifié ma stratégie et j’essaye, pour continuer à intervenir sur la voie publique, d’avoir l’accord des habitants et des commerçants ».

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LE Musée

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« Cela vient du même cerveau, seul le support change »

Make art not€ - Amsterdam © photo : Margot Ridon

© photo : Sandi Parker, Art Is Not A Crime, acrylic, 2015