0

Fond.jpg
citations 1.png
citations fin.png

Art 42 un vrai musée de l’art urbain ?

C’est à l’occasion de la Nuit Blanche 2016, une manifestation artistique et festive dédiée à la création contemporaine à Paris, que le “premier musée de street art en France” baptisé ART 42 a ouvert ses portes. Mais, ce nouveau lieu, est-il réellement un musée au sens traditionnel du terme ?

" L’art urbain est en phase avec son temps

Musée ou anti-musée ?

 

Au premier abord, ART 42 ressemble un peu à un musée conventionnel comme le Louvre. En entrant, on est directement accueilli par des responsables d’artistik rezo (l’association qui gère ART 42) qui nous conduisent rapidement vers un médiateur, pour que l’on puisse faire la visite guidée des différents étages. La distinction se fait plutôt lorsque l’on se retrouve au beau milieu des salles de cours en open space, où les étudiants apprennent à coder. Se mélangent alors ordinateurs et oeuvres de tous styles accrochées aux murs ou exposées près des élèves. Et c’est là l’idée même de Nicolas Laugero Lasserre. Lier les différents styles directement dans les salles de cours que ce soit des oeuvres d’atelier, extraites de la rue ou élaborées au sein même de l’école 42. Ainsi, les morceaux de panneau de bois extraits de la rue, trônent fièrement aux côtés de tableaux d’atelier sans vraiment déranger les étudiants. « On vit avec donc on ne fait pas vraiment attention même si à force de les voir, il y en a que l’on préfère à d’autres », remarque Franck, étudiant de l’école 42.

 

ART 42 en tant que précurseur a pu définir lui-même les règles tout en s’éloignant du schéma traditionnel. Il a cherché à proposer un parcours plus novateur afin de ne pas dénaturer l’essence et le message des oeuvres d’art urbain. Interdiction de dédier uniquement un étage à l’exposition. La visite se fait à travers les différents étages de l’école. Un dispositif résolument nouveau qui va à l’encontre de notre conception du musée et bouleverse nos habitudes de visites. ART 42 s’affirmant alors comme un « anti-musée ».

 

La différence se retrouve également dans le nom « ART 42 Urban Art Museum Collection » dans lequel on retrouve une dimension contestataire. En opposition directe au modèle classique qui ne fait pas dans la collection privée. Une prise de position qui fait référence aux valeurs du street art, un art populaire qui s’est érigé comme contre-culture dans notre société.

Implanté dans le 17em arrondissement de Paris au sein de 42,  l’école d’informatique créée par Xavier Niel, fondateur de l’opérateur téléphonique Free, ce lieu unique en France regroupe pas moins de 150 oeuvres d’art urbain. Après un franc succès dans les galeries, le street art passe désormais la phase de reconnaissance et d’institutionnalisation ultime en s’exposant sur les murs d’un musée. Une évolution qui fait sens, au vu de l’engouement du public comme l’explique Nicolas Laugero Lasserre, commissaire d'exposition spécialiste de l’art urbain, à l’origine du projet ART 42 : « Cet art est présent partout, ses codes, ses messages et son esthétique, souvent colorée, sont compréhensibles par le plus grand nombre. Son côté libertaire rend le public complice et l'associe au message véhiculé ou le fait rire, tout simplement. L’art urbain est en phase avec son temps ».

 

A travers les cinq étages de l’école, on retrouve des grands noms avec Banksy ou encore Obey côtoyer des artistes moins reconnus comme Romain Froquet ou Madame qui se trouvent ainsi soutenus dans leur pratique, dans la rue ou leur atelier. Ces artistes aux styles et aux nationalités différentes se rejoignent via « des valeurs qu'ils partagent : la générosité, la rue, un engagement militant, une présence universelle dans le monde physique et surtout, ils ont tous débuté dans la rue, offrant leurs œuvres aux passants » selon Nicolas Laugero Lasserre.

 

Malheureusement la collection n’est pas toujours mis en avant par les articles qui parlent d’ART 42. Le lieu atypique qui renferme le musée est plus souvent mise en avant car un musée de street art qui prend place dans une école d’informatique, cela surprend. Tout comme le fait de ne pas ressembler aux musées traditionnels.

IMG_2392.jpg
IMG_2433.jpg

Enfermer l’art urbain pour le rendre accessible ?

 

Partager l’art gratuitement et le rendre accessible pour le plus grand nombre est le principe fondateur du projet. « La gratuité, c’est essentiel, c’est l’ADN du mouvement », insiste Nicolas Laugero Lasserre, soucieux de créer un lieu original. Le collectionneur souhaite également une meilleure accessibilité du street art en la faisant entrer dans le quotidien des étudiants. Cette démarche bien qu'intéressante ne parait pas logique. L’art urbain étant par nature un art accessible à tous puisqu’il se trouve dans la rue. Alors, pourquoi transférer le street art de son milieu d’origine vers un musée ? Franck, étudiant à L’école 42, justifie ce choix « Dans la rue le street art est certes accessible, mais on ne le voit pas toujours. L’inconvénient c’est qu’il faut le trouver, on ne sait pas forcément où se trouvent les oeuvres et il faut donc les chercher. Dans le musée elles sont à portée de main, parce qu’elles sont mises ici pour qu’on puisse les voir ».

 

Le choix d’une école pour accueillir les oeuvres pose également problème, 42 étant avant tout un lieu d’apprentissage où travaillent des étudiants. Ces derniers sont donc constamment dérangés par les différentes visites puisque ce sont leurs salles de cours qui accueillent les réalisations des artistes. Dans un souci de moins déranger les étudiants, les visites sont restreintes au mardi soir de 19h à 21h et au samedi de 11h à 15h sur réservation. Le musée apparaît donc beaucoup moins accessible que l’on veut nous faire croire. Mais l’art urbain, qui prend déjà place dans notre environnement quotidien, qui est déjà accessible à toute heure de la journée et de la nuit, et ce gratuitement, a-t-il réellement besoin d’une meilleure accessibilité ?

IMG_2420.jpg

L’initiative d’ART 42 comme « premier musée de street art en France » permet une démocratisation de l’art urbain pour le plus grand nombre par une entrée libre et la diffusion de savoir entre artistes, médiateurs, étudiants et visiteurs. Une démarche qu’on ne voit que rarement, encore aujourd’hui en France comme le souligne Christian Omodéo, commissaire d’exposition indépendant : « En septembre dernier, pour la première fois des artistes urbains ont fait des propositions d’acquisition auprès du Centre National d’Art Plastique (CNAP) et elles ont été refusées en bloc. Face à cette fermeture des musées français, qu’il y ait un collectionneur privé qui mette en avant sa collection gratuitement à Paris, c’est fondamental. Cela crée un court-circuit qui oblige les institutions à réagir et à prendre position par rapport à cette demande du public ». Une fermeture des musées qui ne semble pas se répandre hors des frontières françaises si l’on observe l'émergence de nouveaux musées consacrés à l’art urbain en Europe.  

L'importance du lieu

croix.png

Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Inan Curtis - Jef Aerosol © photo : Margot Ridon

Charlie Hebdo - GRIS1 © photo : Margot Ridon

Fresque extérieur à ART 42, peinte in situ © photo : Margot Ridon